Les stars de l'été éclipsées

Il n'y en a qu'une, c'est la Lune !

< mardi 10 août 1999 >
Chronique

Numéros spéciaux, affiches géantes du ciel — rappelons qu'en bon français on dit posters —, lunettes ostensiblement chaussées par quelques poids lourds du gouvernement (que ne concerne pourtant pas l'interdiction de circuler demain) : la disparition annoncée du soleil, plus encore que celle, imprévisible, de John-John et de Hassan II, aura constitué le plat de résistance médiatique de ces vacances d'été. Éclatante revanche pour sa complice la Lune, laquelle n'a pas toujours été gâtée, il faut l'avouer, par la langue. Veut-on parler de quelqu'un que caractérisent les sautes d'humeur ? On le traitera de lunatique. D'un rêveur, d'un utopiste ? On fera observer qu'il est toujours dans la lune (ou qu'il en tombe), au contraire de ceux, plus sensés, qui savent garder les pieds sur terre. D'un « galant homme qui a eu le tort d'épouser une femme galante », pour ne pas dire d'un cocu ? On dira de lui qu'il est un confrère de la lune. D'un fou ? Qu'il a un quartier de lune dans la tête. Ou, plus modestement, de celui qui n'a pas inventé l'eau tiède ? Qu'il est c... comme la lune, encore et toujours ! (On aura beau objecter, dans ce cas précis, que cette lune-là a probablement moins à voir avec l'astre qu'avec la partie la plus charnue de notre individu, le fait d'avoir servi de surnom à cette dernière n'est pas beaucoup plus gratifiant en soi !) Cette dimension dépréciative ne se borne d'ailleurs pas à l'humain : pour évoquer une période révolue, dépassée, on n'hésitera pas à parler de vieilles lunes. Bref, la méfiance des Anciens à l'égard de celle qu'ils assimilèrent à la cruelle Artémis trouve, depuis toujours, un écho dans nos expressions populaires. On ne voit guère que la lune de miel pour égayer un brin le tableau... pour peu que la formule soit exempte d'arrière-pensées ironiques, ce qui reste pour le moins à démontrer. Gardons-nous donc de ses traîtrises et restons, demain, à l'abri de nos lunettes. Aussi bien, celles-ci pourront toujours resservir, l'éclipse n'étant pas la seule à menacer de nous aveugler : il y a aussi la feuille d'impôts et l'augmentation du prix des carburants à la pompe...